LIBRES OPINIONS
 

   Faut-il enseigner l'informatique comme une nouvelle discipline de l'enseignement général ? À cette question il est facile de trouver de nombreuses bonnes (et moins bonnes) raisons pour répondre par l'affirmative. Mais en répondant oui, comme beaucoup, j'ai le sentiment d'évacuer l'essentiel du problème.

   Le nouvel instrument informatique est censé préparer les jeunes à une nouvelle société qui ne peut que s'informatiser. Mais de quelle société doit-il s'agir ? La grande majorité des enseignants répond qu'il ne peut s'agir que d'une société socialiste. Or, l'informatique que nous connaissons actuellement est le pur produit d'une société élitiste, hiérarchisée et, de ce fait, centralisée. Sa tendance « naturelle » est de reproduire, en partie à notre insu, les caractéristiques de ce type de société. De ce fait, il faut être bien conscient. Ce devrait être, à mon sens, le point de départ de toute analyse.

   Si la réflexion concernant l'opportunité d'un enseignement de l'informatique dans l'enseignement général (et son développement dans l'enseignement technique) ne portait que sur les modalités et le contenu « scientifique », il n'y aurait pas lieu d'entamer un grand débat à ce sujet. Il suffirait de réunir une commission de spécialistes. Or le problème n'est pas là. C'est un problème qui nous concerne tous. C'est un problème politique, au sens où il s'agit de définir une orientation générale, elle-même liée à une conception de l'éducation pour la formation des hommes et des femmes de demain.

   L'enseignement de l'informatique doit faire largement appel à la réflexion sur la discipline et ses implications sociales (ne devrait-il pas en être de même pour tous les enseignements !). Réflexion des élèves et des enseignants, mais aussi, réflexion des parents et de la collectivité tout entière.

   L'attitude que les jeunes auront vis à vis de l'informatique (celle que nous contribuerons à leur faire prendre) sera lourde de conséquences pour l'avenir. Nous pouvons en faire des utilisateurs passifs ou, au contraire, les aider à être des utilisateurs conscients et critiques.

   Par ailleurs, il ne faut pas oublier que créer une option ou une nouvelle discipline est à certains égards, une solution de facilité en ce sens qu'elle ne remet rien en cause de l'organisation scolaire et peu de ses finalités. L'approche pluridisciplinaire a au moins le mérite de porter un regard plus neuf sur l'ensemble de système éducatif.

   Soulignons enfin que les aspects multiformes de l'informatique (compétences techniques précises débouchant sur des compétences professionnelles, contenu culturel scientifique diversifié, imbrications à caractère sociologique...) devraient nous conduire à réfléchir sérieusement et de manière renouvelée sur les articulations nécessaires entre culture, formation générale, formation professionnelle, formation continue.

   Il est indispensable qu'une concertation très ouverte précède toute généralisation d'un enseignement, même optionnel, de l'informatique.

   Il n'y aura pas de véritable changement si les décisions importantes continuent de venir « d'en haut » sans concertation réelle.

   À ce type de concertation les membres de l'EPI se déclarent prêts.

J. L. B.

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 23 de septembre 1981, pages 33-34.

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Octobre 2010

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