Les épreuves de LV1 du Baccalauréat en section ES, S et L
sous leur forme actuelle demandent une compétence de la compréhension
écrite que bon nombre d'élèves du lycée n'ont
pas maîtrisée. Ceci est dû d'une part aux activités
linguistiques effectuées en collège principale-ment centrées,
comme il est nécessaire de le faire, sur la compréhension
orale et la production orale, d'autre part aux horaires trop réduits
qui caractérisent les classes de langues, notamment en lycée.
Des choix pédagogiques s'imposent, dont le travail sur la lecture
de textes fait souvent les frais.
Il est pourtant clair qu'un renforcement de la compréhension
de texte est tout à fait nécessaire, que ces textes soient
de type événementiel - articles de presse - ou de teneur
fortement littéraire - extraits de romans ou de pièces de
théâtre. Dès la classe de seconde, et même en
fin de collège, les élèves ont à étudier
des textes rédigés dans une langue aux tournures plus complexes,
avec une charge lexicale plus grande et d'une longueur souvent rédhibitoire
pour beaucoup. Par ailleurs, la lecture et la compréhension de textes
longs est parfois laissée à des moments où des tranches
horaires plus généreuses le permettent, c'est-à-dire
lors d'éva-luations sommatives, sans grand entraînement préalable.
Cette situation est souvent génératrice de sentiments
d'incapacité chez l'élève. Il se sent en effet très
démuni pour comprendre l'ensemble d'un texte, et attribue souvent
cette incompréhension à un manque de vocabulaire précis,
alors que cette insuffisance n'est pas forcément l'obstacle majeur
à sa compréhension s'il sait procéder à des
associations et à des déductions. Il manque en réalité
d'outils pour effectuer à la fois la synthèse et l'analyse
approfondie du texte proposé. Le découragement s'installe
alors, difficile à combattre.
Que faire pour relancer la motivation et donner les outils qui aideront
l'élève à pénétrer plus aisément
dans des textes dont le sens précis lui échappe ?
Il n'est plus à démontrer que les activités faites
en EAO suscitent une grande motivation. L'intérêt créé
par l'utilisation de l'informatique pédagogique peut permettre d'aborder
des textes qui auraient pu paraî-tre rebutants à l'élève
au premier abord, dans un contexte de classe habituel, c'est-à-dire
basé sur l'utilisation d'un manuel. Le contexte d'apprentissage
aussi bien que l'outil spécifique utilisé nous paraissent
ici révélateurs et générateurs de réussite.
Les exemples d'utilisation du logiciel ALFY que nous allons
suggérer par la suite vont dans ce sens.
QUE PROPOSE ALFY ?
ALFY propose une banque de textes suffisamment diversifiés pour
qu'élèves de collège et lycée y trouvent leur
compte. Dans les textes correspondant au niveau lycée, le registre
de langue tend à être surtout littéraire et la richesse
lexicale est forte. Les thèmes abordés sont variés
et de natures diverses : extraits de pièce de théâtre,
de romans, extraits d'articles de journaux, correspondant tout à
fait au genre de textes proposés à l'épreuve du Baccalauréat
d'enseignement général et techno-logique, voire à
une préparation aux textes qu'ils pourront rencontrer s'ils se destinent
à des études supérieures. Nous avons choisi de baser
notre expérimentation uniquement sur les textes de lycée,
mais elle est aisément transférable à des classes
de collège avec les textes appropriés.
Les textes sont suivis d'une liste de 16 à 18 exercices avec
correc-tion immédiate et affichage du score.
Les exercices proposés sont nombreux et vont de la compréhension
globale et approfondie au thème d'imitation ou exercices de transforma-tion
grammaticale en passant par des exercices de manipulation de texte (paragraphes
mélangés, exercices lacunaires divers, etc.).
COMMENT FONCTIONNE ALFY ?
Une fois le texte choisi, celui-ci s'affiche sur l'écran au fur
et à mesure de la lecture (vitesse de lecture moyenne). Le défilement
fini, l'élève peut alors le relire dans son ensemble pour
s'arrêter sur certains passages. L'élève peut ensuite
faire une partie des exercices listés et avoir une correction immédiate
de sa production.
DÉROULEMENT D'UNE SÉANCE
AVEC LE LOGICIEL ALFY
-
Conditions pratiques : salle EAO équipée en PC ; logiciel
ALFY en licence sur site
-
Niveau de classe : terminale littéraire (2 groupes de 16 élèves
à une semaine d'intervalle)
-
Objectif : entraînement à la compréhension écrite
à partir d'un fragment de texte de J. Hadley Chase intitulé
«KIDNAPPING
». Préparation à l'épreuve de la section
L
-
Durée : 1h.
La séance débute par une prise en main du logiciel.
Les consignes ont été écrites au tableau (indication
du /des-textes à choisir et numéros des exercices de compréhension).
Les élèves lisent le texte proposé pour cette
séance, au fur et à mesure qu'il s'affiche sur l'écran
(figure 1). Puis ils en font une seconde lecture avant de passer aux exercices
de compréhension (figure 2).
ALFY
ELEVE 1
KIDNAP 1
LECTURE : A KIDNAPPING (J.H. CHASE)
As soon as he got into town he parked the car and bought a paper. The
headlines had it all. The kidnapping of Miss Blandish was news and it was
plastered all over the front page. Eddie walked along the street and looked
for a phone booth. He found one in a drugstore and searched through the
directory for the number he wanted. Hanging his handkerchief over the mouthpiece
to muffle his voice, he dialled. A deep voice came over the line almost
at once.
Eddie made his voice rough and asked : «That's Blandish ? Get
an earful of this. We've got your daughter and we're sending instructions.
This is a straight-forward snatch and you play turkey with us and it'll
be okay. Call the bulls off, that is your first job... Follow the instructions
you'll get and don't try to get smart. Don't forget that there are lots
of things that can happen to a girl besides twisting her neck. Your daughter
is okay now, so keep her that way... One smell of a double-cross and she
ain't going to be okay». Eddie slammed down the receiver before Blandish
could say a word...
[ENTREE]
|
Figure 1
ELEVE 1 |
KIDNAP |
|
|
11:31:03 |
|
EXERCICES |
Passages |
Aide(%) |
Temps |
Score |
1 |
LECTURE |
1 |
- |
0 :32 |
1000 |
2 |
PREM/DERN LETTRES |
- |
- |
|
|
3 |
REPERAGE |
- |
- |
|
|
4 |
COMPREHENSION |
- |
- |
|
|
5 |
LACUNAIRE 1 |
- |
- |
|
|
6 |
VOYELLES |
- |
- |
|
|
7 |
LETTRES MELANGEES |
- |
- |
|
|
8 |
LACUNAIRE 2 |
- |
- |
|
|
9 |
LIGNES MELANGEES |
- |
- |
|
|
10 |
VERBES |
- |
- |
|
|
11 |
DECRYPTAGE 2 |
- |
- |
|
|
12 |
MOTS OUTILS |
- |
- |
|
|
13 |
PHRASES MELANGEES |
- |
- |
|
|
14 |
MOTS-MELANGES |
- |
- |
|
|
15 |
SILHOUETTE 3 |
- |
- |
|
|
16 |
QUESTIONNEMENT |
- |
- |
|
|
l7 |
UNLESS |
- |
- |
|
|
Sélectionner l'exercice puis [ENTREE]
|
|
|
(ECHAP) |
Figure 2
Comme dans chaque séance d'EAO, l'enseignant circule dans la
classe pour répondre à des demandes d'ordre technique: comment
affi-cher le score, ou passer à tel ou tel exercice, comment formuler
les réponses demandées.
On peut facilement proposer aux élèves en réelle
difficulté des textes de lecture plus facile et leur indiquer des
types d'exercices corres-pondant à leurs besoins. Pour les exercices
de manipulation de texte l'enseignant peut proposer par exemple les textes
lacunaires les plus complets.
Une fiche d'aide personnalisée comportant des explications de
mots jugés difficiles pour la compréhension du texte peut
aussi être conçue par l'enseignant en fonction des besoins.
En fin de séance, il peut être utile de faire inscrire
sur une fiche spécifique (voir figure 4) ou le cahier de l'élève
le titre du texte étudié et les points de langue que la séance
a permis d'approfondir. L'élève garde ainsi trace de son
travail et peut s'y référer si besoin est. Par ailleurs il
est intéressant de faire récapituler à chacun ce qu'il
aura appris pendant la séance, au-delà de ce qui pourrait
se voir comme un simple travail de déchiffrage de texte...
PISTES D'ACTIVITES A PARTIR DU TRAVAIL EFFECTUE
EN EAO
Il nous a paru intéressant de prolonger le travail effectué
en EAO avec ce logiciel par une activité qui lui était liée,
à savoir un travail sur les consignes. En effet tout enseignant
a constaté la difficulté que présente souvent pour
les élèves la lecture des énoncés d'exercices,
qu'ils soient rédigés en anglais ou en français. Parfois
survolées, souvent mal interprétées, les consignes
sont sources d'erreurs importantes.
ALFY comporte un certain nombre de consignes précises que les
élèves doivent lire pour accomplir les tâches proposées.
Pendant la séance EAO l'enseignant doit souvent intervenir, soit
pour expliciter ces consignes, soit pour les faire simplement relire attentivement
et mettre ainsi l'élève en position de les exécuter.
L'activité suivante a été proposée à
l'ensemble de la classe de Terminale littéraire qui avait effectué
la semaine précédente une séance sur le logiciel ALFY
:
Les élèves plus avancés - soit la majorité
de la classe -, se sont vus proposer l'intégralité de la
fiche A (figure 3) tandis que les élèves en difficulté
avaient à accomplir les tâches indiquées dans les questions
1, 2, 3, 4 et 5.
FICHE A
A KIDNAPPING
1 - Les consignes :
1) Associez les phrases suivantes avec les phrases en français
qui ont le même sens et qui se trouvent au début de chaque
exercice proposé.
2) Soulignez le mot ou le groupe de mots qui donnent la consigne principale
dans l'énoncé.
a) Imagine the end of the story
b) Sum up the story briefly. Remember to use the past tense and some
link words
c) Write the paragraph again, using the reported speech
d) Ask questions with relative pronouns
e) Find words in the text which have the same meaning as the following
f) What is the genre of this excerpt
g) Match the following sentences with the sentences in French which
have a similar meaning at the beginning of each given exercise
2 - genre de ce passage :
novel 0 |
detective novel 0 |
letter 0 |
1st person narrative 0 |
3rd person narrative 0 |
|
3 - Trouver dans le texte les équivalents en anglais des
mots suivants :
garer sa voiture :
cabine téléphonique :
annuaire :
faire un numéro :
mouchoir :
kidnapper :
poser (en claquant ) :
faire le malin :
4 - Faire une phrase à propos du texte avec UNLESS :
5 - Poser 4 questions sur le 1er paragraphe avec Who, Whose, What,
Where
6 - Résumer brièvement l'histoire au prétérit,
en employant des mots de liaison :
7 - Mettre les verbes du 2eme paragraphe au discours indirect
8 - Quel autre genre d'écriture connaissez-vous ? Donnez
les mots en anglais
a) novel
b)
c)
.......
9 - Imaginez ce que Mr Blandish va dire à sa femme après
avoir raccroché le téléphone.
|
Figure 3
Une mise en commun a suivi ce travail qui pouvait s'effectuer seul ou
par groupe de deux. L'objectif de cette activité était donc
d'abord la compréhension de l'énoncé de la consigne,
ensuite de pouvoir l'appliquer sur des exercices légèrement
différents de ceux proposés par le logiciel.
Cette activité répétée plusieurs fois dans
l'année à partir de textes différents permet d'arriver
à une meilleure interprétation des consignes rencontrées
le plus souvent dans les exercices de compréhension proposés
aux classes des différentes sections.
Une possibilité d'exploitation plus classique du travail fait
en EAO serait l'utilisation des fiches réalisées en fin de
séances pour quelques exercices de reformulation : résumé
du texte étudié (le titre devrait remettre en mémoire
le thème abordé pendant l'étude du texte), ou des
deux textes étudiés (pour les plus rapides), phrases de thème
ou réponses à des questions permettant de réutiliser
le vocabulaire, constructions de phrases avec les faits de langue étudiés
et description des formes obtenues (figure 4).
Nom ...................... |
date ..............
|
FICHE DE TRAVAIL EN EAO
|
Titre du passage étudié : ...........................................................
Les mots que j'ai retenus :
(min 5)
Les tournures grammaticales que j'ai approfondies :
(min 1)
résumé du texte en une ou deux phrases :
|
Figure 4
Nota : les élèves de cette classe sont habitués
à travailler en EAO en Anglais, avec différents logiciels
d'exercices de révisions grammaticales, de traduction, ou des cédéroms
encyclopédiques type Encarta, environ une fois toutes les 3 semaines,
ce qui facilite la prise en main de tout nouveau logiciel. Mais une classe
non habituée à travailler en EAO s'habituera tout aussi vite
à ce nouveau type de fonctionnement du groupe classe.
Le même travail a été réalisé avec
une classe de 1ere ES et de 1ere L dans le cadre d'activités modulaires,
ce qui permet des groupes peu nombreux.
REMARQUES
On peut regretter l'absence de dictionnaire dans ALFY. Mais si l'on
considère que les élèves n'auront pas accès
à un dictionnaire pendant les devoirs surveillés ou leur
examen, le travail avec ALFY peut être un excellent entraînement
à cette situation en les obligeant à construire le sens d'après
le contexte, par associations ou inférences. Cette activité
constitue ainsi une activité linguistique plus formatrice que l'utilisation
d'un dictionnaire (qui peut être l'objectif d'une autre séance).
L'ergonomie du logiciel est un peu lourde et la présentation
peu attrayante. Les textes en revanche sont bien choisis pour la plupart
et d'intérêts suffisamment divers. Les exercices sont un peu
répétitifs (beaucoup d'exercices lacunaires de tous genres),
et il faudra prendre soin de ne pas les administrer en série mais
de choisir les plus pertinents : en général 6 exercices dans
chaque liste suffiront pour faire un travail signi-ficatif sur un texte.
ALFY est un système auteur, l'enseignant peut donc entrer ses
propres textes ce qui constitue un énorme atout pour ce logiciel.
Les exer-cices de type lacunaire se feront alors de façon aléatoire,
les autres devront être conçus par l'enseignant.
CONCLUSION
En dehors du fait que ce logiciel offre un accès motivant à
la lecture et entraîne à la compréhension par la manipulation
du texte affiché sur l'écran, il nous paraît certain
que l'utilisation d'ALFY favorise la réflexion sur la langue.
Confronté à une situation-problème (pas d'accès
au dictionnaire possible) l'élève va mettre en œuvre ses
capacités de déduction et s'inter-roger sur la langue qu'il
lit, développant ainsi divers types de stratégies pour réaliser
l'exercice demandé.
Nous avons dit précédemment que mettre l'élève
en contact avec des textes d'une certaine difficulté syntaxique
et lexicale provoque souvent le découragement. Ici l'élève
trouvera une stimulation : pas de compétition, pas d'évaluation
dévalorisante en fonction du travail des autres élèves,
une correction immédiate, pas de compte à rendre à
l'ensei-gnant sinon d'avoir accompli la tâche demandée (tel
texte, tel type d'exercice dans la séance). Pas rapport à
une attitude trop souvent passive rencontrée en cours pendant l'étude
d'un texte, le travail en EAO rend spectaculairement tous les élèves
actifs et prend en charge leur apprentissage. (Voir questionnaire et réponses
des élèves ci-contre)
QUESTIONNAIRE
|
1 - Ecrire : PDT (pas du tout) UP (un peu) ou BP (beaucoup)
à la fin de chaque ligne.
Vous avez utilisé le logiciel ALFY en salle d'informatique pendant
cette année scolaire dans le cadre de vos cours d'Anglais. Ce logiciel
est axé sur la compréhension de textes en Anglais. Les séances
effectuées vous ont-elles :
-
aidé à comprendre l'ensemble du texte malgré
l'absence de dictionnaire
-
permis de mieux vous repérer dans ce texte
-
permis de vous entraîner à des épreuves d'écrit
ultérieures (type Bac)
-
donné la possibilité d'apprendre un peu de vocabulaire
-
donné l'occasion de travailler des points de grammaire en
con-texte
-
permis de mieux comprendre la construction et l'utilisation de ces
points de grammaire.
2 - Cochez les cases de votre choix :
Par rapport à un travail de compréhension de texte effectué
en classe, cette activité :
-
vous semble motivante O
-
parait plus efficace O
-
n'apporte rien de plus O
-
est moins efficace O
|
Réponses au questionnaire :
Classe de Terminale littéraire : 30 élèves
Par rapport à un travail de compréhension de texte effectué
en classe, cette activité :
-
vous semble motivante 26
-
parait plus efficace 13
-
n'apporte rien de plus 2
-
est moins efficace 2
Classe de 1ère littéraire : 30 élèves
Par rapport à un travail de compréhension de texte effectué
en classe, cette activité :
-
vous semble motivante 29
-
parait plus efficace 14
-
n'apporte rien de plus 1
-
est moins efficace 1
L'apport pédagogique d'une séance d'EAO, comme cela a déjà
été défini dans des études précédentes
, se retrouve ici : cette séance permet à l'élève
de travailler à son propre rythme, d'avoir une validation im-médiate
de son travail, de pouvoir demander une aide personnalisée pendant
l'heure sans crainte du jugement des autres élèves, procure
la satisfaction d'obtenir un bon score ou le désir de l'améliorer.
L'intérêt de cette activité est très bien perçu
par les élèves qui sont sensibilisés au contenu des
épreuves écrites du Baccalauréat et les séances
de travail d'ALFY sont souvent très attendues (voir le questionnaire
et les réponses en annexe). Elles ne sont pas pour autant perçues
comme du bachotage mais bien plutôt comme une phase d'entraînement
personnel nécessaire.
Odile POUCHOL
GRAFLANGUES, CDL / U3
GRENOBLE, 1998
Cet article est paru
dans la Revue de l'EPI n° 93, mars 1999. |