Les « Laboratoires »
de langues ont une histoire, une économie, et une philosophie pédagogique.
Mais ils ont aussi un avenir : des bouleversements technologiques proches
vont affecter le concept d’apprentissage d’une langue étrangère
par l’intermédiaire d’une machine. Alors, j'adhérerai à
l’idée de « poste intercommunicatif ».
L'histoire
La philosophie
L'économie technologique
Le labo-langues "planétaire"
et l'ordinateur domestique
A partir de 1941, lorsque les États Unis commencèrent à
accueillir de nombreux fugitifs des « théâtres d’opérations
» européens et africains où régnaient en maîtres
les soldats du 3ème Reich, plusieurs d’entre ces rescapés
connaissaient l’emploi de certaines armes et de certains appareils, et
ils auraient pu être immédiatement utiles ... s’ils avaient
su, sinon
s’exprimer en américain, du moins comprendre les termes parlés
et les ordres qui auraient pu les rendre aussi performants immédiatement
qu’ils l’étaient dans leurs langues respectives.
Les laboratoires de langues, créés alors, ont permis d’habituer
tous ces militaires et techniciens étrangers (surtout de navigation
aérienne) à comprendre les ordres donnés par les haut-parleurs
de bord (déjà entendus dans les casques des cabines) et à
réagir efficacement.
Il ne s’agissait que de réactions manuelles, mécaniques.
Cet apprentissage pratique s’inspirait, bien sûr, en droite ligne,
des théories de Pavlov. Mais que l’on y prenne garde : les sons
enregistrés auraient aussi bien pu ne pas appartenir au langage
articulé ; d’autre part, réagir physiologiquement en entendant
une ou plusieurs syllabes (comme l’avait fait l’organisme de l’animal à
la vue de la nourriture) n’est pas communiquer...
Les laboratoires de langues entrèrent en Europe ... «
dans les fourgons » des armées américaines. Rares,
alors étaient les professeurs d’anglais, vivants, libres, et formés.
Les laboratoires de langues apparurent alors comme la solution pour faire
fructifier économiquement cette invention, et on les recommanda
pour un apprentissage rapide de la langue. De cet apprentissage, il nous
faut apprécier à présent la philosophie.
Le concept d’apprentissage d’une langue étrangère (nous
supposerons que le problème concerne le primo-apprentissage d’une
langue vivante) était alors fondé sur la politique générale
de l’Instruction Publique depuis Jules Ferry : apprendre aux enfants des
choses qui ne les intéressent peut-être pas aujourd’hui, mais
qui devraient leur servir plus tard. Seul un Célestin Freinet a
osé, il n’y a guère, penser que les enfants pouvaient prendre
plaisir, avec l’aide de l’instituteur, bien sûr, à résoudre
en classe les problèmes qu’eux-mêmes y apportaient, et qui
étaient ceux d’aujourd’hui, ceux que se posaient leurs parents et
d’autres adultes : coûts, investissements, rapports, étude
du milieu : tout cela complété par des explorations, des
visites, des échanges de connaissances grâce au journal scolaire.
En langues vivantes étrangères, dans l’enseignement secondaire,
le concept « Jules Ferry » a consisté à faire
apprendre les règles de grammaire et à faire exécuter
des « exercices » comme pour fabriquer des « clés
» qui serviraient plus tard ... éventuellement. Le modèle
était d’abord celui des langues mortes (dans les lycées)
: le document n’est pas une information à communiquer oralement
à des contemporains, mais la compréhension d’un texte qui
ne nous est pas adressé, au moyen de clés multiples et différentes
qu’il faut essayer : ces « clés » sont les règles
de grammaire. La rareté des déplacements et des voyages,
dans le milieu rural, ouvrier, et dans les classes moyennes, rendait d’ailleurs
aléatoire l’utilité et l’intérêt de pratiquer
oralement, en France ou à l’étranger, une langue vivante.
On peut dire que les laboratoires de langues ont été l’application
« économique » du concept « Jules Ferry »
à l’apprentissage des langues vivantes étrangères.
On peut admettre que cette philosophie ait été conçue
pour combler des besoins adultes, dans des cabines où chaque utilisateur
(motivé et volontaire) pouvait être libre de choisir l’exercice
« de son niveau » sans dépendre du « niveau »
du voisin. Mais les « laboratoires » de langues, achetés
plus tard - pour des raisons de prestige - par des proviseurs de lycées
ou des principaux de collèges, ne possédaient que peu
de bandes magnétiques, et tous les élèves d’une classe,
en conséquence, que l’exercice plût ou non, étaient
obligés de s’y soumettre et de marcher du même pas... Je ne
suis pas loin de penser que certains professeurs ont pu y trouver le bénéfice
de scinder en deux demi-groupes des classes trop
chargées (plus de trente élèves ! en langues «
vivantes » !) car il n’y avait pas assez de cabines pour une section
complète : une moitié était envoyée en permanence,
et l’autre moitié était accueillie dans les cabines : chacun
isolé des autres, interdit de communication, sous la surveillance
visuelle et auditive du maître depuis la « console »...
Ainsi, le maître a pu, aux yeux des élèves, apparaître
plus comme un surveillant indiscret du « travail » (de répétition)
accompli, que comme un recours, un conseiller, un guide...
Comme professeur d’espagnol dans un lycée d’Orléans, comme
je désirais faire fréquenter par mes élèves
un laboratoire de langues, j’ai dû, après avoir obtenu l’autorisation
(et la confiance) de mon proviseur, conduire les enfants au seul endroit
où il y en avait un (de vingt-cinq cabines), au C.R.D.P : c’était
en 1969. Bien entendu, il n’y avait pas de bandes en espagnol ; et grâce
à cette lacune, j’ai pu (et dû) fabriquer moi-même mes
« leçons ».
Ce n’étaient pas des « exercices » de grammaire,
mais des textes : poétiques, dramatiques, géographiques,
sociologiques, affectifs, historiques, qui donnaient aux élèves
l’envie de réagir et de les commenter. Mon rôle n’était
pas de surveiller ce que les enfants, ailleurs, auraient dû RÉPÉTER,
mais d’être à leur service pour leur SOUFFLER les mots et
les formules qu’ils avaient envie d’employer pour exprimer leurs réactions,
LEURS sentiments. Je mettais parfois un élève peu inspiré
à l’écoute d’un autre : pour l’émulation ; ou je les
mettais explicitement en communication pour qu’ils échangent (en
français, cela m’était égal) des opinions sur leur
compréhension du texte.
J’ai oublié de dire qu’autant que possible ces textes étaient
« illustrés » de bruitages, ou de fonds musicaux «
suggestifs ». J’en ai encore les bandes à la maison. Les enfants
enregistraient leurs commentaires, avec leurs propres voix, et cela personnalisait
et objectivait leur travail. Leur frustration était de ne pas pouvoir
emporter leurs bandes à la maison. Cette frustration était
aussi la mienne.
En dehors de l’usage que j’en faisais, je ne sache pas que ce laboratoire
fût utilisé par d’autres collègues avec leurs élèves.
Mais un C.R.D.P se devait de posséder ce « laboratoire »...
La technologie a permis de faire évoluer énormément
les laboratoires de langues : il nous faut à présent étudier
ces changements. Certains progrès concernent les appareils. Les
magnétophones data-numériques garantissent la permanence
qualitative des sons enregistrés. Il en est de même du CD-ROM.
Mais l’un et l’autre, et ce dernier en particulier, par définition,
ne permet que l’écoute seule : or, le principe du laboratoire de
langues est, en principe, que l’élève puisse comparer sa
propre voix (enregistrée sur la seconde piste de la bande magnétique
classique) avec le modèle, enregistré (sur la première
piste de la même bande magnétique) il n’a pas accès
à ce modèle et il ne peut ni le modifier, ni l’effacer.
Aussi l’ordinateur a remplacé naturellement le magnétophone
: son disque dur enregistre aussi la voix de l’élève, lui
refuse également la modification et/ou l’effacement de certaines
informations ; mais il affiche, en plus, les courbes d’intonation : du
« modèle », et de la voix de l’utilisateur. Bien sûr,
ce « progrès » est un pur leurre : les linguistes acousticiens
savent que chaque voix présente des « courbes » (appelées
« formants ») spécifiques et inimitables ; et la communication
du sens n’a rien à voir avec la matière acoustique. Mais,
dans l’ordinateur, l’accès à l’information est immédiate,
ou beaucoup plus rapide qu’avec une bande magnétique, même
numérique ; car la bande reste linéaire. Avec la numérisation
et surtout le disque dur, l’ordinateur a donc fait une entrée en
force (compte-tenu des moyens financiers ... et des lenteurs psychologiques)
dans les établissements d’enseignement.
Les ordinateurs, en principe instruments individuels, ont emprunté
au laboratoire de langues la notion de « réseau ». A
la console-« maître » se trouve un « serveur »
qui « nourrit » tous les terminaux des élèves,
d’abord occupant une seule et
même salle . Tout cela, sous le couvert d’une technologie de
pointe, n’est qu’un retour à la pédagogie dépassée
du « apprenez à vous servir (pour ne rien dire) des règles
de grammaire, vous y penserez (peut-être) plus tard quand vous en
aurez besoin ». C’était aussi une pédagogie «
par l’échec », du genre « Trivial poursuite »
: je vous pose des questions sur un sujet qui ne vous intéresse
pas, vous choisissez au hasard, et vous vous souviendrez la prochaine fois
de la réponse à donner . Mais avec des textes, on peut faire
bien autre chose que des exercices transformationnels, à trous,
ou des QCM. La vraie révolution (qui n’est qu’un retour de l’évolution)
est dans l’apparition de l’image et du texte, toujours numérisés.
Les textes et les images peuvent être conçus comme des
documents à étudier, à analyser, et à propos
desquels produire, en langue étrangère, des commentaires,
des explications. Mon expérience orléanaise aurait été
comblée avec ces appareils. D’autant que l’imprimante permet d’extraire
de l’ordinateur les textes dûment corrigés, améliorés,
éventuellement résultats d’un travail collectif.
Voici comment. Il faut comprendre que nous avons implicité, jusqu’ici,
que la structure des laboratoires de langues était « en fourche
», c’est à dire que tous les postes-élèves sont
isolés les uns des autres, et reliés au seul poste du maître,
afin qu’ils ne puissent communiquer entre eux qu’en passant par la console
du maître, et avec l’autorisation de ce dernier.
Mais une autre structure est possible. Elle suppose, dans l’esprit des
créateurs et des utilisateurs, une véritable révolution
psychologique (et pédagogique) : la structure « en toile d’araignée
». Le poste du maître est placé « au centre »
(ce centre n’est d’ailleurs qu’une image, pour exprimer qu’il est le dernier
recours, en cas d’ignorance de tous les membres du
groupe-classe). Les élèves, en empruntant des arcs ou
des segments reliant les postes entre eux, peuvent, plus ou moins directement,
résoudre leurs problèmes, de compréhension d’abord,
d’expression ensuite. Ce peuvent être des problèmes individuels
: mais ils communiquent surtout pour résoudre ensemble un problème
collectif, lui-même préalablement analysé en sous-tâches
résolues en petites équipes. L’écran de chaque ordinateur
présente un seul produit élaboré avec les conseils
du maître, imprimable sur une seule feuille. Freinet doit en soupirer
d’aise dans sa tombe...
LE LABO-LANGUES « PLANÉTAIRE
» ET L’ORDINATEUR DOMESTIQUE |
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Mais l’informatique peut plus, et peut mieux. Ou plutôt, ce n’est
pas le matériel, malgré ce que l’on croit souvent, qui va
révolutionner les esprits. Nous avons vu que les pédagogues
(ou plutôt, des « marchands de pédagogie »), se
sont souvent complus à couler des pensers anciens dans des matériels
nouveaux. Les ordinateurs en réseaux sortent de la salle
d’ordinateurs, grâce aux systèmes E-mail et internet.
Voici comment. A partir du moment où le pédagogue renonce
à « la pédagogie Jules Ferry » (se préparer
avec des exercices d’aujourd’hui à entrer dans le monde - qui demain
sera celui d’hier -) pour adopter « la pédagogie Freinet »
(s’entraîner dès aujourd’hui à résoudre des
problèmes qui évolueront), la pédagogie des langues
vivantes, si elle recourt à l’informatique, ne le peut que comme
moyen d’utiliser la langue VIVANTE « hic et nunc » : pour communiquer
avec des êtres vivants qui pratiquent cette langue étrangère.
Avec Internet et le Web, il n’y a aucune raison de limiter le concept
de laboratoire de langues aux quatre murs d’une salle.
Ni à des exercices répétitifs et figés
en dehors des besoins réels d’emploi de la langue. Au lieu qu’un
poste central pilote simultanément tous les ordinateurs de deux
salles (une simple cloison peut-elle modifier le concept de réseau
?), Internet permet de ne plus faire des exercices à vide, préparatoires
à des rencontres réelles ultérieures et éventuelles,
mais de
communiquer avec des interlocuteurs actuels et vivants, éloignés
mais pourvus d’une « boîte aux lettres ». Au C.I.E.P
de Sèvres, deux pédagogues, M. et Mme Vallette, reprenant
avec le Fax et l’E.mail le concept de correspondance scolaire de C. Freinet,
ont utilisé ces réseaux afin que les enfants français
trouvent la motivation de lire ce que d’autres enfants leur
écrivaient en langue étrangère, et pour donner
aux uns l’envie d’écrire dans la langue des autres... Bien évidemment,
les uns et les autres ont ensuite souhaité se rencontrer, donner
un visage aux phrases, aux confidences et aux expériences. Les voyages
des uns chez les autres ont remplacé le laboratoire le plus interactif...
Certes, la correspondance écrite exige des
délais. Mais le vidéophone, (le téléphone
équipé d’une caméra), existe déjà :
sa diffusion n’est qu’une question de temps... Éloignes de plusieurs
centaines de kilomètres, les enfants de deux classes ne pratiquant
pas la même langue pourront faire ce que permettent déjà
les laboratoires « en toile d’araignée ».
Reste l’élève chez lui, l’isolé, le malade, l’adulte
éloigné sociologiquement, ou provisoirement, comme à
l’hôpital ou dans une chambre d’hôtel. Le concept de «
labo-langues » doit revenir à ses sources : ce pour quoi il
a été pensé, comme entraînement, avec l’aide
d’une machine, à la pratique d’une langue vivante : parmi toutes
les autres cabines, une seule, (indépendante et isolée des
autres) qui permette à l’usager de trouver exactement le programme
qui lui convient ce jour-là.
L’ordinateur le peut. A condition de n’être pas seulement «
interactif », mais « inter-communicatif ».
Toute mécanique est « interactive » : elle a été
conçue pour produire un effet à partir d’une sollicitation
mécanique. Ainsi, appuyer sur un bouton électrique fait jaillir
de la lumière. Si tous les intermédiaires et moyens nécessaires
ont, bien sûr, été prévus : énergie électrique,
fils, culot, ampoule... L’ordinateur est « seulement » interactif
lorsqu’il offre un texte, une image (fixe ou mobile) ou un « fichier
vocal », lorsque l’utilisateur, à un endroit prévu
du logiciel, sollicite cette information.
Le concept d’INTERCOMMUNICATIVITÉ se rapproche au contraire du
dialogue. Le logiciel intercommunicatif doit donner l’impression que l’ordinateur
réagit LINGUISTIQUEMENT à des informations écrites
sur le clavier. Les linguistes travaillent dans ce sens dans des laboratoires.
Prenons l’exemple de la version. Devant un texte sur l’écran, plusieurs
interlocuteurs pourront réagir de différentes façons.
Certains oublieront des majuscules, ne respecteront pas la ponctuation,
mettront deux espaces au lieu d’un, d’autres feront des fautes d’orthographe,
d’autres emploieront de l’argot, ou des périphrases : autant de
blocages possibles de la communication entre l’usager et l’ordinateur qui
ne comprend pas. Or, il faut que l’ordinateur donne à l’usager l’impression
qu’il est compris, et que la réponse de l’appareil fasse avancer
le débat, l’information, la découverte du texte.
Toutes les variantes imaginables, et celles que révèle
l’expérimentation de la communication homme-machine, doivent être
enregistrées dans la mémoire de l’ordinateur, ce dernier
prêt à livrer la réponse prévue. A son tour,
l’ordinateur, s’il pose des questions à l’élève inconnu
(questions d’intelligence du texte, d’observation et de déduction),
doit être capable de « comprendre » ce que l’élève
lui répond (par écrit, toujours). Ainsi, dans l’extrait d’un
roman, un camion en panne sur le bord d’une route espagnole est rejoint
par deux gardes civils à motos. Ceux-ci s’approchent du véhicule
et, à la lumière de leur torche électrique, essaient
de lire la plaque d’identité. Ils reprochent au camionneur qu’elle
soit illisible, car elle est maculée de boue. Supposons que l’ordinateur
pose à l’élève la simple question : cette aventure
a-t-elle lieu le jour, ou la nuit ? L’ordinateur doit D’ABORD être
capable d’expliquer, de reformuler ou de traduire sa question. Il doit
AUSSI être capable de fournir tout le vocabulaire prévisible
dont peut avoir besoin l’élève pour rédiger sa réponse.
Il doit ENFIN pouvoir « comprendre » des réponses indirectes
:
- Cette scène NE se passe PAS / LE JOUR
parce que ...
(« Jour » + négation =
NUIT) :
= Je NE crois PAS que ... CETTE SCENE SE PASSE
LE JOUR
= « ON POURRAIT VOIR BRILLER LES ETOILES
(LA LUNE)...
Encore que celle-ci puisse briller en plein jour...
En résumé : les laboratoires de langues sont nés
de la convergence d’un besoin économique, d’un concept linguistique
et de plusieurs technologies successives. Le premier a pu - et peut encore
- s’exprimer sous la forme suivante : peut-on se passer de professeurs
(ou d’interlocuteur vivant) pour apprendre en la pratiquant une langue
vivante ? Une analyse de tout ce que le métier d’enseignant comporte
de répétitif et donc de mécanique a pu faire conclure
que la machine aurait toujours plus de patience que l’homme. Ce sont les
élèves qui se sont lassés les premiers.
Sur cette analyse s’est branchée l’idée que l’on peut
apprendre une langue sans s’en servir et avant de s’en servir : aussi les
laboratoires de langues sont-ils apparus comme les officines où
l’on fabrique un produit dont on ne pourra vérifier l’efficacité
qu’une fois lancé dans le circuit de la consommation. Cette efficacité
est peut-être observable chez certains
adultes motivés ; mais les enfants n’y ont trouvé ni
intérêt ni plaisir. Des professeurs choisissaient à
la place de leurs élèves, lesquels devaient tous s’intéresser
au même moment à l’exercice disponible dans leur établissement,
exercice choisi le plus souvent par un « responsable financier »
plus pour des raisons économiques que pédagogiques. Ceci
était à l’opposé de ce pour quoi les laboratoires
avaient été conçus. L’apprentissage d’une langue vivante
est, pour moi, inséparable de la sympathie que l’on éprouve
à l’égard de cette langue, de ceux qui la parlent, de ceux
qui l’enseignent, et de la culture qu’elle contient.
Si l’on refuse, au contraire, le concept d’un apprentissage préalable
à la pratique, et donc hors situation, pour privilégier celui
d’apprentissage par la pratique (comme dans un sport), la technologie ne
peut être utilisée qu’à deux conditions :
– qu’elle permette de mettre les apprenants en relation les
uns avec les autres, dans un esprit d’entr’aide pour réussir en
commun (et avec l’aide du pédagogue) la réalisation d’un
projet. L’ouverture du laboratoire de langue aux réseaux internationaux
signe l’arrêt de mort de la salle isolée du monde et de la
rue, et où l’on interdit à l’élève de «
communiquer » !
– que l’isolé trouve dans l’ordinateur tantôt un «
pédagogue informatique » qui le « comprenne »,
le guide, le conseille et l’encourage, tantôt un véritable
interlocuteur étranger qui communique avec lui par cet appareil.
Michel GAUTHIER
Professeur chercheur en linguistique - I.U.T. de Paris V
Université René Descartes
Cet article est paru dans la Revue de l'EPI n° 91, septembre
1998.
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