ÉDITORIAL
 
Vous avez dit multimédia ?
 

Le terme est à la mode mais, à l'évidence, il ne s'agit pas seulement d'une mode... L'accroissement de la puissance des ordinateurs à coût constant, la lecture optique, la tendance au "tout numérique"... font que cette technique au service de la connaissance est appelée à un grand avenir.

Ce n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes au système éducatif dont le premier devoir sera de corriger les inégalités qui vont inéluctablement se créer entre les élèves.

Il est évident que, dans un premier temps au moins (mais pour quelle durée ?), le coût des machines et celui des logiciels restant encore élevé, le multimédia se développera dans les milieux socioprofessionnels favorisés au risque d'être un facteur supplémentaire d'exclusion.

Le système éducatif doit former l'ensemble des jeunes à l'utilisation raisonnée de ces nouveaux moyens de formation et d'accès à la connaissance. Rester en marge conduirait également pour lui à se priver d'instruments pédagogiques efficaces et à perdre une partie de sa crédibilité.

Il ne s'agit pas simplement de "faire moderne" en utilisant n'importe quel produit conçu pour des publics non scolaires sous peine d'échecs pédagogiques graves. La carence actuelle en logiciels adaptés aux différents niveaux de scolarité et aux différentes disciplines est préoccupante ; pourtant l'offre créative existe, comme en témoigne cette Revue, mais par souci de rentabilité les éditeurs préfèrent trop souvent se rabattre sur le marché international au prétexte de l'insuffisance du parc national de lecteurs.

L'écrasante majorité des titres de CD-ROM est actuellement américaine et si rien n'est fait la tendance ira en s'amplifiant. Pour les produits français, ou en français, quand on regarde de près le contenu de nombre d'entre-eux, soi-disant pédagogiques, on se prend à regretter les vertus des logiciels dits "dépassés". Il n'est pas rare de trouver des analyses de réponses que l'on n'osait plus proposer il y a 20 ans ! Il nous semble que les nouveaux concepteurs devraient faire preuve de plus de modestie et considérer que le monde n'est pas né avec eux ; il y a bien des leçons à recevoir d'auteurs du terrain qui, avec les moyens dont ils disposaient, se sont d'abord préoccupés de pédagogie.

En matière de conception de logiciels pédagogiques multimédia l'essentiel reste à imaginer et à faire. Il ne faudrait pas, une fois de plus, que l'enseignement soit contraint de s'adapter à ce qui est proposé, voire à des modèles imposés et inadaptés. Le service public, à l'écoute des besoins des enseignants et des élèves (il sait le faire), et en liaison avec les éditeurs, doit se montrer à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, à la marge des produits spécifiques à l'enseignement, nous devons saluer des réalisations exemplaires qui prouvent que l'association de compétences scientifiques et de compétences techniques est efficace ; nous évoquons là des produits comme "Aux origines de l'homme", "Musée de l'homme" ou "Explorer le corps"... Elles montrent la voie.

Le déploiement du multimédia, sur disque optique et sur réseau, va prendre une telle ampleur dans les années à venir que le risque de débordement des enseignants est réel. L'investissement en temps (sans parler des achats de matériels et de logiciels) pour "entrer" dans ces nouveaux produits est considérable. Nous évoquons ici l'utilisation pédagogique, pas le maniement de la souris, car nous ne confondons pas le contenu avec la convivialité ; la confusion (volontaire ?) est trop souvent de mise.

Si l'apport à l'acte d'enseigner et à l'acte d'apprendre n'était pas déterminant, comme c'est trop souvent le cas actuellement, alors le rapport qualité/prix serait jugé dérisoire et les enseignants se replieraient sur les bonnes vieilles méthodes, celles qu'ils ont rencontrées majoritairement au cours de leur formation initiale (voir Editorial de la précédente Revue) se coupant un peu plus de la réalité hors de l'Ecole.

Nous retrouvons à propos du multimédia, quel que soit son support, l'ensemble des conditions indispensables au développement des technologies nouvelles dans le système éducatif : la formation des enseignants, la nécessité de matériels et de logiciels répondant aux besoins réels, l'évolution des programmes d'enseignement...

Ce dernier point reste très préoccupant. Si nous prenons, le dernier exemple en date, celui des projets de programmes pour la classe de sixième, nous avons cherché vainement le terme de multimédia. Le terme est partout sauf dans l'esprit des concepteurs de programmes officiels pensés pour cette fin de siècle. Et pourtant, on peut lire dans la préface du B.O. spécial (30 mars 1995) : "Le collège, qui accueille la totalité d'une classe d'âge, joue un rôle essentiel dans la formation des élèves, futurs citoyens de la société française du XXIe siècle".

Encore une fois, il y a loin du discours aux actes.

Jacques BAUDÉ, Président

Jean-Bernard VIAUD, Secrétaire général

Paris, le 30 mai 1995

 

Dernière minute : calculatrices au baccalauréat

Au moment où nous donnons cette Revue à l'imprimeur, le B.O. du 1er juin n'est pas encore paru. Selon nos informations il devrait contenir un complément à la circulaire n° 86.228 du 28 juillet 86 précisant que : le nombre de calculatrices dont un même candidat peut disposer n'est pas limité, les données contenues en mémoire n'ont pas à être effacées, les échanges de machines entre les candidats et les échanges d'informations par les fonctions de communication (notamment infrarouge) sont interdits (les calculatrices infrarouge ne sont donc pas interdites).

Paru dans la Revue de l'EPI n° 78 de juin 1995.

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(14 avril 2000)