MÉMOIRES DU MONDE

Abdelaziz Abid
 

     Le patrimoine écrit est le reflet de la diversité des langues, des peuples et des cultures, il est le miroir du monde et sa mémoire. Mais cette mémoire est fragile. À chaque instant, des fragments, sinon des pans entiers du patrimoine documentaire disparaissent à jamais. Des documents précieux, des témoignages uniques de l'histoire des arts, des sciences et des civilisations, parfois même des collections entières de bibliothèques ou des fonds complets d'archives se perdent à jamais par suite de catastrophes d'origine naturelle ou humaine ; beaucoup d'autres, soumis à l'usure, à la négligence et au vieillissement naturel, sont en si mauvais état qu'ils risquent de disparaître d'un jour à l'autre. Une part non négligeable du patrimoine documentaire mondial disparaît de manière « naturelle » : papier acidifié qui tombe en poussière, cuirs, parchemins, films et bandes magnétiques agressés par la lumière, la température, l'humidité ou la poussière. Le cinéma, par exemple, risque, au moment où il célèbre son centenaire, de perdre la plus grande partie des oeuvres qui en ont fait l'art du siècle. Des milliers de kilomètres de pellicule risquent de s'effacer si leur restauration et leur préservation ne sont pas entreprises dans les plus brefs délais.

     Aux causes naturelles viennent s'ajouter les accidents qui ponctuent la vie des bibliothèques et archives. Inondations, incendies, ouragans et tempêtes, tremblements de terre..., la liste est longue des catastrophes contre lesquelles il est difficile de s'opposer, sinon par l'adoption de mesures préventives. Chaque année des trésors sont détruits par le feu, les cyclones, les moussons et autres intempéries et variations climatiques.

     Les bibliothèques et archives, pas plus que les vies humaines, ne sont épargnées par les guerres ni par les catastrophes naturelles. La liste des bibliothèques et archives détruites ou fortement endommagées par faits de guerre, bombardements, autodafés et autres incendies, volontaires ou non, serait longue à établir. Aucune liste n'a encore été dressée des collections de bibliothèques et des fonds d'archives disparus ou en danger de disparition. La Bibliothèque d'Alexandrie est sans doute l'exemple historique le plus célèbre. Combien d'autres trésors connus et inconnus n'ont-ils pas disparu à Constantinople, à Varsovie, à Florence et, plus récemment, à Bucarest, à Saint-Pétersbourg et à Sarajevo ? Il en est tant d'autres et la liste n'est malheureusement pas close, ceci sans parler des fonds dispersés suite aux déplacements accidentels ou délibérés d'archives et de bibliothèques.

     L'ampleur de l'effort à engager pour préserver ce qui fait partie de cette irremplaçable « Mémoire du monde » nécessite la mise en oeuvre d'un programme cohérent de sauvegarde mettant en commun les efforts des uns et des autres et faisant appel aux technologies les plus modernes.

OBJECTIFS DU PROGRAMME « MÉMOIRE DU MONDE »

     Selon les termes de son Acte constitutif, I'UNESCO a le devoir d'aider au maintien, à l'avancement et à la diffusion du savoir en veillant à la protection du patrimoine documentaire universel et en en facilitant l'accès au plus grand nombre. L'UNESCO, étant donné sa mission particulière dans le développement de la culture et de la sauvegarde du patrimoine culturel mondial, a lancé en 1992 un nouveau programme en vue de la sauvegarde et la promotion du patrimoine documentaire mondial. Ce Programme, appelé « Mémoire du monde » et confié à la Division du Programme général d'information (PGI), est conçu comme une nouvelle approche de la sauvegarde des patrimoines documentaires en péril, de la démocratisation de leur accès et d'une plus large diffusion. Les objectifs du Programme, complémentaires et d'égale importance, concernent la préservation par les techniques les mieux adaptées, l'accès sans discrimination et la diffusion de produits dérivés accessibles à un public le plus large possible.

     Le Programme vise donc la sauvegarde des fonds manuscrits, imprimés ou audiovisuels les plus menacés et se propose d'en faciliter l'accès au plus grand nombre, tout en assurant aux originaux les meilleures conditions possibles de conservation et de sécurité. On pourrait sauvegarder ces patrimoines et les rendre accessibles au public en constituant des banques d'images d'excellente qualité, à partir desquelles on pourrait réaliser des reproductions sur toutes sortes de supports, tels que disques optiques, albums, livres, cartes postales, microfilms, etc.

     Les recettes pouvant résulter de la vente éventuelle des produits dérivés seront alors réinvesties dans le Programme.

ENVERGURE ET STRUCTURE DU PROGRAMME

     Le Comité consultatif international du Programme « Mémoire du monde », dont les membres ont été désignés par le Directeur général de l'UNESCO, a recommandé, lors de sa première réunion qui s'est tenue à Pultusk, en Pologne, en septembre 1993, que la notion de patrimoine documentaire soit élargie pour inclure au-delà des manuscrits et des documents précieux et rares de bibliothèques et d'archives, les documents sur tous supports, notamment les documents audiovisuels, les enregistrements informatiques et les traditions orales, dont l'importance varie selon les régions. Dans tous ces domaines, la sauvegarde s'impose, parfois dans l'urgence, si l'on veut éviter l'amnésie collective et renforcer l'échange culturel mondial.

     Ce Programme doit sensibiliser les gouvernements à la sauvegarde de leur patrimoine documentaire, mobiliser les énergies, relayer les efforts des organisations professionnelles, nationales, régionales et internationales et catalyser les initiatives.

     Une structure à trois niveaux est envisagée.

     Un Comité consultatif international du Programme « Mémoire du monde » guide la conception et la mise en oeuvre du Programme dans son ensemble et formule des recommandations concernant la mobilisation des fonds, l'attribution des crédits et l'octroi du label « Mémoire du monde » aux projets retenus, y compris ceux qui ne bénéficient pas de l'aide financière du Programme.

     Au niveau national, il est prévu qu'un comité sera chargé, en premier lieu, de la sélection des projets selon les critères retenus et de leur soumission au Comité consultatif international et, par la suite, de leur suivi. Ce comité sera composé d'experts pouvant contribuer à la réalisation des projets et de représentants des usagers. Les auteurs de projets devront s'assurer que les droits des propriétaires des fonds ou des collections sont protégés. En outre, chaque projet constituera son comité scientifique propre, composé de spécialistes qui définiront les contours du projet et qui en assureront le suivi intellectuel.

     Enfin, chaque fois que le besoin s'en fera sentir, un comité régional sera chargé de la sélection des projets à caractère régional, en tenant compte des particularismes des régions, en vue de leur soumission au Comité international. En conclusion, les partenaires du Programme seront, d'une part, les experts, les utilisateurs, les associations professionnelles, les organisations et les institutions publiques ou privées qui accepteront de collaborer à la préparation des projets sur le plan intellectuel et, d'autre part, les sociétés et entreprises qui apporteront leur concours sur le plan technique ou sur le plan financier.

CRITÈRES DE SÉLECTION

     La réunion de Pultusk a recommandé que la sélection des fonds et collections à inscrire dans le cadre du Programme « Mémoire du monde » soit fondée sur les critères suivants : contenu (culturel, littéraire ou scientifique, valeur artistique), intérêt national, régional et international, état physique, contexte, situation à risque, faisabilité du projet (réalisable dans un laps de temps raisonnable). Le caractère irremplaçable des documents, des fonds ou des collections concernés sera établi par la conjugaison de ces critères.

     En outre, il est recommandé d'accorder une certaine priorité aux opérations touchant plusieurs pays, ou à un projet national à dimension régionale ou internationale, ou qui sont entreprises en coopération ou en partenariat, sans oublier les minorités et leurs cultures. Une attention particulière sera accordée à la reconstitution de la mémoire des peuples dans le cas des collections et fonds déplacés ou dispersés.

QUELQUES PROJETS EN COURS

     Le CD-ROM de démonstration préparé par la Bibliothèque nationale à Prague, en collaboration avec l'UNESCO et Albertina Ltd., présente quelques-uns des manuscrits et autres documents les plus précieux des collections de la Bibliothèque nationale. Le disque contient des échantillons des pièces les plus précieuses des collections historiques de la Bibliothèque nationale, avec des annotations en tchèque, en anglais et en français. La Bibliothèque nationale a l'intention de produire une série de disques sur lesquels seront enregistrés les ouvrages les plus précieux de ses collections historiques spéciales. La mise sous forme numérique des plus beaux manuscrits et incunables de la Bibliothèque nationale facilitera l'accès à ces trésors en évitant aux originaux des manipulations excessives, contribuant ainsi à leur préservation. De surcroît, alors que les couleurs et l'encre réagissent au contact du papier, du parchemin, de la soie et autres supports traditionnels, l'information numérique ne se dégrade pas avec le temps. Même si, d'après les estimations, l'espérance de vie du CD-ROM ne dépasse pas 20 à 30 ans, l'information numérique pourrait aisément être transférée sur les supports plus durables qui feraient leur apparition dans l'avenir.

Sainte-Sophie

     Conçu par un groupe d'auteurs bulgares et français, le projet « Sainte-Sophie » porte sur un essai d'édition multimédia de manuscrits bulgares sur un disque compact interactif. Il a pour but d'évoquer la figure emblématique de « Sainte-Sophie », patronne de la ville de Sofia, capitale de la Bulgarie, dans l'histoire de la littérature et dans la civilisation bulgares entre le XIe et le XVIIe siècle.

     Les documents retenus comprennent tout d'abord la reproduction en mode fac-similé, sous la forme de photographies numérisées, de manuscrits bulgares, dont le plus anciennement connu : le Livre des épîtres apostoliques d'Enina, du XIe siècle. Ils sont complétés par des reproductions d'enluminures, de frontispices et de motifs décoratifs, et par des photographies de sites historiques et archéologiques variés. Aux documents manuscrits se trouvent associés leurs transcriptions imprimées en vieux bulgare et leurs traductions en bulgare moderne, en anglais quand elles existent, et aussi en français.

     Les traitements informatiques envisagés pour permettre l'exploration des documents réunis vont dans plusieurs directions. Une première solution, la plus sommaire, est de se contenter des ressources des menus thématiques du disque « Photo CD portfolio ». Une autre orientation réside dans l'utilisation du logiciel CDS/ISIS, produit et diffusé par l'UNESCO. Une dernière perspective est ouverte enfin par le système SPIRIT de gestion de bases de données multimédias, de la société française « Technologies GID » qui offre la possibilité d'interrogation en langage naturel. Une première maquette, réalisée sur les manuscrits retenus dans le cadre du projet « Sainte-Sophie » devrait être réalisée dans le courant du premier trimestre de l'année 1994.

La Chronique de Radzivill

     Il s'agit d'une oeuvre monumentale du plus grand intérêt, puisqu'elle retrace l'origine des peuples européens et décrit les événements qui ont le plus marqué leur histoire. C'est un exemple rare de chronique médiévale russe illustrée. Des dessins et près de 600 miniatures reproduisent quelques-uns des monuments européens les plus importants du XIIIe siècle et constituent ainsi un témoignage précieux d'un monde disparu.

     Connue depuis le XVIIe siècle, cette Chronique a fait l'objet d'études réalisées par un grand nombre de savants et de bibliophiles, dont Pierre le Grand. Plusieurs tentatives de publication en fac-similé n'ont pas abouti à des résultats satisfaisants. Un prototype de CD-ROM est en cours d'élaboration en étroite coopération entre l'UNESCO, la Bibliothèque du Congrès à Washington et la Bibliothèque de l'Académie des sciences russe à Saint-Pétersbourg, où se trouve la Chronique de Radzivill.

     Ce projet permettra au public et aux chercheurs en Russie, en Europe centrale et orientale, et ailleurs à travers le monde, d'avoir accès à cette oeuvre exceptionnelle.

Les manuscrits de Sana'a

     En 1972, après de fortes pluies, un pan du mur de la Grande Mosquée de Sana'a s'est effondré. Des travaux sur la toiture mirent au jour des manuscrits qui avaient été cachés dans le plafond à une époque ancienne. Il s'agit de fragments en parchemin et en papier représentant environ un millier de volumes différents, dont les plus anciens remontent au premier siècle de l'Hégire. La plupart sont des extraits du Coran, ayant un intérêt considérable pour l'étude linguistique, l'étude religieuse et l'étude paléographique de la littérature des premiers siècles de l'Hégire et de la langue arabe.

     La découverte fortuite et extraordinaire de ces documents et leur caractère tout à fait exceptionnel contribuèrent à faire de cette trouvaille un événement remarquable qui mobilisa des énergies et des compétences sur le plan international. Grâce à une participation active de la RFA, un plan de travail sur les fragments fut mis en chantier, qui aboutit à la construction de la Maison des manuscrits, la restauration d'environ 12 000 fragments en parchemin (sur 15 000), leur conditionnement, identification et classement ; la formation de restaurateurs et photographes yéménites.

     Des travaux ont été engagés par des chercheurs, en particulier sur les fragments enluminés, par le Professeur von Bothrner, de l'Université de Saarbrucken, et sur les reliures par Ursula Dreibholz qui a bénéficié d'une bourse du Getty Institute. Ces travaux, ainsi que des communications à des congrès et des articles de revues savantes, ont montré l'intérêt exceptionnel de cette collection Les autorités yéménites s'accordent également pour considérer la collection à l'égal d'un monument historique d'une qualité patrimoniale exceptionnelle. A leur demande, une mission de l'UNESCO s'est rendue à Sana'a pour examiner la possibilité d'inscrire dans le cadre du programme « Mémoire du monde » un projet pilote portant sur des collections yéménites.

     Les collections de manuscrits qu'il a été possible d'examiner sont d'une richesse exceptionnelle qui justifie de les considérer comme projet « Mémoire du monde ». Elles présentent les caractéristiques de collections à valeur patrimoniale, par leur qualité historique, archéologique, scientifique et documentaire.

     L'absence d'instruments de travail impose une étude sur le terrain pour procéder à l'identification des documents répondant aux critères du projet, à les décrire et à les analyser. Ce travail ne peut être mené correctement que par des spécialistes dont les avis devront être confrontés. Faute de quoi ne seraient retenus que les documents reconnus traditionnellement comme importants, avec le risque évident d'erreurs et d'oublis, puis de controverses, voire de polémiques.

     Une commission nationale est constituée. Elle est chargée de repérer les documents les plus pertinents. Un disque de démonstration est envisagé à partir d'un millier de fragments coraniques. Ce disque sera prêt dans quelques mois.

Memoria de Iberoamérica

     La « Asociacìon de Bibliotecas Nacionales de Ibero-américa » (ABINIA) a présenté à l'UNESCO au mois de novembre 1992 un projet dénommé « Memoria de Iberoamérica » dans le cadre du Programme « Mémoire du monde ».

     Une étape pilote de ce projet consiste à assurer la sauvegarde de la presse du siècle dernier publiée dans les pays ibéro-américains et en améliorer l'accès aux historiens et au public intéressé.

     Auparavant, ABINIA avait organisé, à l'occasion de la commémoration du cinquième centenaire de la rencontre des deux mondes, une série d'activités répondant au même souci de valoriser le patrimoine documentaire du monde ibérique.

     Parmi ces activités figurent une base de données répertoriant 90 000 livres anciens datant du XVIe au XVIIIe siècle, une exposition itinérante et la réédition des ouvrages historiques les plus importants dans le contexte du 5e centenaire.

     Les bibliothèques nationales de sept pays participent au projet sur la presse du XIXe siècle. Il s'agit des bibliothèques nationales du Brésil, Colombie, Costa Rica, Cuba, Nicaragua, Porto Rico et Venezuela. Ce projet a abouti à la réalisation d'un inventaire informatique de quelque 2 000 titres de journaux et autres organes de presse.

     La deuxième étape de ce projet consistera à assurer la conservation des collections recensées et leur microfilmage en vue des échanges entre bibliothèques nationales, l'organisation d'expositions et d'éditions spéciales. Plusieurs autres projets sont à l'étude.

CADRE TECHNIQUE

     À partir des exemples évoqués, il est clair que les deux principes essentiels qui guident le Programme sont la préservation des documents, des fonds ou des collections d'une part, et la démocratisation de leur accès d'autre part. Ces deux principes sont indissociables : l'accès favorisant la sauvegarde et la préservation assurant l'accès.

     Les phases essentielles pour la réalisation de tout projet s'inscrivant dans le cadre du Programme « Mémoire du monde » consistent à choisir et à préparer les documents à traiter, à leur assurer un environnement physique convenable, à effectuer des prises de vues en cas de besoin, à les numériser, à décrire et annoter les documents, le cas échéant à assurer au personnel affecté à ces tâches une formation ponctuelle appropriée, à traduire éventuellement les descriptions bibliographiques, sinon les textes eux-mêmes, et à assurer au produit réalisé la plus large diffusion possible.

     Il est prévu que deux sous-comités soient constitués rapidement : le premier sera chargé de l'évaluation régulière des technologies utilisables par le Programme et le deuxième sera chargé d'étudier les méthodes de marketing et de commercialisation à travers le monde des produits du Programme.

     Enfin, afin que l'UNESCO puisse jouer pleinement son rôle de coordinateur et de catalyseur, trois inventaires, sous forme de bases de données régulièrement mises à jour, seront établis en coopération avec l'IFLA, le Conseil international des archives et les autres organisations professionnelles compétentes telles que la Fédération internationale pour l'information et la documentation (FID), la Fédération internationale des archives du film (FIAF), la Fédération internationale des archives de télévision (FIAT) et l'International Association of Sound Archives (IASA).

     Il s'agit :

  1. d'un inventaire des collections de bibliothèques et des fonds d'archives ayant subi des destructions irréparables ;

  2. d'une liste des collections de bibliothèques et des fonds d'archives qui sont menacés de destruction ;

  3. d'un inventaire des actions en cours pour la sauvegarde des patrimoines documentaires.

     L'UNESCO publiera également prochainement des principes directeurs fixant le cadre technique, juridique et financier et déterminant les structures de fonctionnement du Programme.

CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER

     Travailler en partenariat dans un contexte international impose la définition d'un cadre juridique pour gérer « Mémoire du monde » dans la transparence. Ce cadre juridique doit cependant rester suffisamment souple pour garantir à chaque projet son originalité propre et tenir compte de la diversité des législations nationales en vigueur.

     Il est essentiel que les droits des propriétaires dont les collections ou les fonds font l'objet d'un projet soient respectés, et les relations entre les propriétaires et les utilisateurs techniques et commerciaux clairement définies, notamment au sujet de la répartition des droits entre les différentes parties, la détermination des droits de propriété des images produites, la répartition des bénéfices réalisés sur la vente des produits fabriqués à partir des images. Mais il paraît aussi évident qu'une protection trop grande qui tendrait à limiter l'accès aux documents serait contraire à l'un des principes fondamentaux du Programme.

     S'agissant enfin du cadre financier, il est prévu la création au sein de l'UNESCO d'un Fonds international pour le financement de projets inscrits dans le cadre du Programme. Figureront dans cette catégorie, en priorité, des projets ayant une dimension régionale, voire internationale. D'autres projets, répondant aux critères définis, pourraient bénéficier du label « Mémoire du monde », sans avoir nécessairement à bénéficier de l'aide de l'UNESCO. Le label « Mémoire du monde » sera une garantie de qualité et favorisera la diffusion des produits en question.

     Chaque projet « Mémoire du monde » constitue une entité sur le plan financier : chaque projet doit trouver son équilibre financier entre, d'une part les investissements nécessaires à la reproduction, la numérisation ou la diffusion des produits, ou encore à la mise en état de conservation des collections et des fonds reproduits et, d'autre part, l'apport initial d'un financement local ou extérieur et la perception de droits ainsi que le versement de redevances correspondant à une part des bénéfices sur la vente des produits.

     Cet équilibre ne peut être réalisé sans la participation de mécènes et de partenaires techniques et financiers La recherche de partenaires est une phase importante, voire décisive, de tout projet « Mémoire du monde », même si la recherche du profit ne sera jamais un préalable à la réalisation d'un projet.

CONCLUSION

     Le Programme « Mémoire du monde » a suscité, dès son lancement, un très grand intérêt. Des demandes d'aide, parfois même des appels au secours, parviennent régulièrement à l'UNESCO. La tâche est immense et seule la mobilisation de toutes les parties concernées est en mesure de traduire les intentions annoncées en un vaste chantier mondial de sauvegarde, de reproduction et de diffusion des trésors documentaires en péril.

     À cet égard, on ne saurait trop insister sur l'enjeu économique de l'opération et les investissements considérables qu'elle exige. La dualité des objectifs - assurer la survie du patrimoine d'une part et faciliter d'autre part l'accès à cette mémoire collective pour qu'elle soit à la portée du plus grand nombre - impose de nouvelles approches en matière de financement, en coopération avec le secteur privé notamment. Comme l'a dit M. Mayor à l'ouverture de la réunion de Pultusk, « il faudra faire preuve de réalisme, mais aussi d'audace et d'imagination ».

SOURCE

     Programme « Mémoire du monde » - Première réunion du Comité consultatif international, Pultusk, Pologne, 12-14 septembre 1993. Rapport final. Paris, UNESCO, 199, (PGI/93/WS.17).

Abdelaziz Abid
UNESCO, Paris, France

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 75 de septembre 1994.
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