Contribution du groupe « FORMATIONS » de l'EPI

Propositions en vue d'une formation à l'informatique pédagogique
et aux Nouvelles Technologies Éducatives (NTE)
dans le cadre de la formation initiale des futurs enseignants

 

I. UNE PRIORITÉ ABSOLUE

     La priorité doit être donnée à la formation initiale. Les services du Ministère de l'Éducation nationale prévoient un recrutement massif de nouveaux enseignants, à tous les niveaux et dans toutes les disciplines ; plus de 300 000 personnes à l'échéance de l'an 2000. Or, la formation initiale de ces nouveaux personnels constitue un point de passage obligé pour tous, et présente une urgence absolue.

     Ce doit être l'occasion de la rénover dans tous les domaines. C'est ainsi qu'il faut prendre en compte toutes les techniques modernes d'information et de communication pour améliorer l'efficacité de l'enseignement.

II. LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX

     Les objectifs de ces actions de formation se déduisent des objectifs prioritaires retenus par le ministère pour moderniser le système éducatif, à savoir « informer et former le futur citoyen », « intégrer l'usage de l'outil informatique dans l'enseignement de toutes les disciplines » et « établir des liens entre culture générale et ouverture sur des savoir-faire professionnels ». Tout nouvel enseignant doit pouvoir acquérir une maîtrise suffisante des technologies et une connaissance précise des ressources potentielles que chacune peut apporter dans la ou les disciplines qu'il aura à enseigner, soit de manière directe : actualisation des connaissances, modernisation du traitement des informations, apports pédagogiques..., soit de manière plus large lorsque les aspects spécifiques à chaque discipline doivent être dépassés.

III. LES PRINCIPES POSÉS

     La formation à l'utilisation de l'informatique doit être nettement distinguée des questions liées à un enseignement spécifique de l'informatique. Il convient donc de poser clairement en principe que le but de cette formation initiale ne serait pas, de façon générale, de former des professeurs d'informatique, mais de permettre à tout enseignant, à quelque niveau que ce soit, d'intégrer de nouvelles méthodes de travail faisant appel aux techniques modernes de l'information et de la communication.

     Nul ne peut ignorer maintenant les simulations, l'utilisation de ressources documentaires complexes, de même que les possibilités diverses de création de nouveaux documents (TdT) ou de nouveaux environnements (télématique, systèmes documentaires, ordinateur outil de laboratoire ou d'atelier...).

     Les applications didactiques, qu'elles aident à l'entraînement, qu'elles favorisent une compréhension plus fouillée ou qu'elles permettent de simuler des situations impossibles à générer par d'autres moyens, s'améliorent. Elles ne pourront plus être ignorées dans un proche avenir.

     En outre, il faut prendre en compte un ensemble d'effets secondaires : travail en équipe, modification des relations entre enseignants et élèves, modification de la nature même des travaux pouvant être entrepris... Dans certains cas, l'informatique peut apparaître comme un lien entre culture scientifique et culture littéraire (à condition que les uns et les autres n'imposent pas trop leur technicité.)

IV. LES MODÈLES EXISTANTS

     Des exemples de ce que pourrait être la formation initiale des enseignants à l'informatique et aux NTE existent, notamment dans les Écoles normales d'instituteurs, les ENNA, les Universités. Depuis 1980 en effet, toutes les Écoles normales ont été amenées à mettre en place des unités de formation obligatoires où l'informatique intervient à des degrés divers. Depuis 1985, les Universités ont été encouragées à s'engager dans des expériences d'introduction de l'informatique dans les cursus, en particulier dans les premier et second cycles (DEUG et Licence).

     Ces enseignements sont de l'ordre de 30 à 40 heures-année (soit de 1 h à 1 h 30 hebdomadaires sur un an) mais ils ne sont pas encore partout obligatoires. Des enquêtes récentes ont révélé que les modalités de mise en place en étaient très variables d'une université à l'autre, et d'une discipline à l'autre.

V. LA FORMATION : UN TRONC COMMUN ET DES COMBINAISONS D'OPTIONS

     Plusieurs niveaux de formation sont à prévoir. Tout futur enseignant doit pouvoir bénéficier de l'initiation que les universités ont entrepris de proposer à tous les étudiants de premier cycle depuis 1986.

     Mais cette formation n'est pas suffisante. Les IUFM devront fournir un complément à tous les futurs enseignants, une partie nécessaire à tous et d'autres parties choisies parmi un éventail de propositions, prenant notamment en compte les problèmes spécifiques liés à l'enseignement.

     Des combinaisons d'options pourraient permettre d'assurer des approfondissements souhaités par un certain nombre de futurs enseignants. Ces options pourraient se présenter sous la forme d'enseignements annuels ou semestriels et selon une structure modulaire qui pourrait en faciliter les articulations, à l'exemple de ce qui est déjà pratiqué dans beaucoup d'universités.

     On peut proposer comme volume global de la formation en IUFM (tronc commun + options ) 150 à 250 heures-année (soit de 5 h à 8 h hebdomadaires par an), selon les niveaux d'études et les disciplines.

     En ce qui concerne les contenus des options, on peut imaginer des éléments qui restent encore à développer : utilisation de systèmes experts, liaison avec des « environnements enrichissants », ouverture à des modes marginaux par rapport à l'éducation actuelle : soutien, réorientation, voire rééducation.

VI. LES STRUCTURES PRÉCONISÉES

     Les structures effectives de ces formations auraient à tenir le plus grand compte de l'autonomie prévisible des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres. Il est indispensable que chaque institut soit doté d'un département « Nouvelles Techniques de l'Information et de la Communication » où l'informatique pédagogique aurait toute sa place.

     Mais ces départements à construire ne seront viables qu'à la condition de faire appel à toutes les compétences reconnues et, en particulier, à celles des équipes de professeurs-formateurs des Centres Académiques de Formation à l'Informatique Pédagogique.

     Toutefois, la diversité ne doit pas conduire à une trop grande dispersion des actions et à une hétérogénéité excessive des formations ; au contraire, elle doit permettre d'enrichir et de faire progresser, d'où la nécessité d'une structure nationale de concertation.

VII. EXPÉRIMENTATIONS PARALLÈLES

     Il faut reconnaître qu'il est difficile de définir à l'avance ce que devrait être une formation polyvalente, susceptible de convenir à toutes les catégories de futurs enseignants. Des expérimentations, dans des instituts pilotes, permettraient de mieux apprécier l'articulation des aspects pédagogiques et des aspects proprement techniques des contenus de formation. Des schémas de programmes expérimentaux devraient être élaborés et donner lieu à des évaluations critiques.

     Ces dispositifs ne seront efficaces que si les résultats obtenus sont pris au sérieux, sans a priori de la part des responsables. Ils ne fonctionneront valablement que si la Recherche Pédagogique est vraiment reconnue par l'institution, aussi bien dans les Centres de recherche (CNRS, INRP...), à l'Université que plus modestement sur le terrain et au quotidien.

VII. ÉVALUATION DES FORMATIONS

     Un dispositif d'évaluation des formations initiales devrait être prévu. Il conviendrait en effet de veiller à une certaine homogénéité des contenus de formation qui seront dispensés. Il serait également nécessaire de définir avec précision la nature des aptitudes exigées des futurs enseignants à l'issue de chacune des étapes des formations suivies. Une instance de coordination nationale, lieu d'information et d'échanges, devrait être mise en place afin de permettre des évaluations critiques susceptibles d'engendrer des harmonisations constructives.

IX. CONCOURS DE RECRUTEMENT

     Prévues par le législateur depuis 1986 et mises en place pour toutes les catégories de personnels de la fonction publique, sauf pour les personnels enseignants de l'éducation nationale, les dispositions relatives à l'institution d'une épreuve d'informatique à option dans tous les concours de recrutement devraient être appliquées conformément à l'esprit des textes qui les définissent.

X. LA FORMATION CONTINUÉE

     L'expérience acquise depuis une dizaine d'années prouve qu'aucune action de formation des personnels n'atteint jamais une efficacité immédiate et totale. Les dispositions qui seront prises en faveur de la formation initiale devront donc comporter des compléments et des prolongements dans le cadre d'une formation continuée ultérieure permettant de faire fructifier les investissements de la formation initiale ; certaines économies font perdre tout le bénéfice d'un travail fait antérieurement.

     Par ailleurs, la mobilité professionnelle qui se développe dans tous les secteurs d'activité doit permettre aux enseignants de faire évoluer leurs carrières de façon plus large que par le passé.

     À titre transitoire, la mise en oeuvre de véritables plans de reconversion d'enseignants de toutes disciplines apparaît souhaitable.

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 57 de mars 1990.
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