Cette lettre du Ministre Jean-Pierre Chevènement a été publiée dans la Revue EPI de décembre 1985. L'association soulignait à l'époque que « malgré ses imperfections et ses lacunes ce texte répond à des attentes de l'EPI. Ainsi il rend caducs les textes antérieurs des directions pédagogiques. Il est dommage qu'il soit si elliptique sur les formations, qu'il n'envisage pour les logiciels que la procédure d'évaluation et qu'il oublie la recherche pédagogique ». Néanmoins, les lettres ministérielles des successeurs de J.-P. Chevènement atteignirent rarement la qualité de celle-ci.


ORIENTATIONS POUR L'INFORMATIQUE DANS L'ENSEIGNEMENT
 

Lettre ministérielle du 29 octobre 1985 adressée aux recteurs, inspecteurs d'académie, chefs d'établissements et directeurs d'écoles (B.O. n° 39 du 7 novembre, pages 2778 à 2780).

     Je précise les orientations retenues pour le développement de l'informatique dans l'enseignement élémentaire et secondaire. La mise en oeuvre des programmes et instructions pour chaque niveau s'inscrit dans ce cadre général.

1 - Objectifs généraux

     L'informatique constitue l'une des plus importantes évolutions scientifiques et technologiques du monde contemporain. Dérivée des mathématiques et de l'électronique, elle a acquis un développement autonome et possède aujourd'hui son propre corps de doctrine.

     D'autre part, l'informatique, en fournissant des instruments opérationnels de traitement de l'information et de représentation des connaissances, permet de prolonger la pensée et l'action de l'homme.

     La compréhension de l'informatique est donc inséparable de celle de ses applications multiformes à l'industrie, aux services et à tous les secteurs de l'activité humaine : calcul, gestion, commande de machines, conception assistée par ordinateur, systèmes experts, banques de données, etc.

     Au coeur des changements technologiques qui interviennent dans nos sociétés, l'informatique modifie dans tous les secteurs, non seulement la nature, l'organisation et les conditions de travail, mais aussi les relations humaines. C'est un phénomène social et culturel que l'école est appelée à intégrer activement. Le système éducatif doit prendre en compte cette réalité complexe de diverses manières. Former les spécialistes dont le pays a besoin est une première nécessité ; le plan en cours concernant la « filière électronique » prévoit à la fois l'expansion des formations d'informaticiens et l'adaptation de nombreuses formations technologiques et professionnelles.

     L'effort entrepris aujourd'hui est plus large : il vise à anticiper l'évolution des emplois et des qualifications, et à faciliter l'accès de chacun à une culture technologique moderne fondement indispensable de la culture qui doit être commune à tous. Le plan INFORMATIQUE POUR TOUS a permis un équipement informatique sans précédent de l'ensemble des établissements scolaires (machines et logiciels). Il est possible grâce à lui de faire franchir à l'école française un pas très important.

     Il est indispensable pour cela d'assurer la cohérence du développement des technologies nouvelles avec les fondements de la politique suivie en matière de programmes. Deux principes doivent guider l'action entreprise. Il s'agit, d'une part, de la prééminence des disciplines et des connaissances qu'elles transmettent : ce premier fondement a comme conséquence le caractère obligatoire des programmes. Il convient, d'autre part, d'assurer la liberté de choix des méthodes et démarches pédagogiques, tant par refus des dogmatismes pédagogiques qu'en raison de la nécessité de s'adapter aux rythmes et à la diversité des élèves.

     Aussi l'informatique dans l'enseignement peut-elle être envisagée selon une double perspective : comme matière d'enseignement et comme moyen pédagogique utilisé dans l'enseignement.

2 - Les contenus de l'enseignement de l'informatique (objectifs de connaissances).

     Les connaissances qui doivent être acquises par les élèves au cours de leur scolarité s'organisent autour de trois grands axes :

  • Découverte et pratique des systèmes informatiques, de leurs différents composants (matériels et logiciels) et des fonctions qu'ils assurent : l'enseignement prendra en compte la diversité de ces systèmes (périphériques divers, robots, banques de données, etc.).

  • Concepts, structures et méthodes de base de l'informatique : l'enseignement dégagera l'importance fondamentale des méthodes d'analyse et de programmation qui constituent l'apport le plus spécifique et le plus fécond de l'informatique à la démarche scientifique.

  • Mise en oeuvre et réalisation d'applications ; leurs conséquences économiques et sociales. Cette partie de l'enseignement permettra de situer l'informatique dans l'environnement économique et social, d'évaluer ses conséquences et d'examiner les problèmes éthiques et politiques qu'elle peut engendrer. Ces différents aspects sont introduits dans l'enseignement général ; ils figurent au programme du cours moyen à l'école élémentaire, du cours de technologie et d'autres disciplines - notamment mathématiques - au collège, de l'option informatique - en liaison avec les autres disciplines - au lycée.

     Ils concernent également l'enseignement technique ; la compréhension et l'appropriation des outils informatiques est en effet partie intégrante des préparations professionnelles.

3 - L'informatique au service de l'enseignement.

     L'informatique doit également être envisagée comme un ensemble de moyens possibles d'aide à l'enseignement à l'intérieur des disciplines. Ces moyens sont divers et relèvent de principes épistémologiques et pédagogiques différents :

  • certains sont destinés à aider des actes pédagogiques simples, comme ceux où l'exercice, la répétition, le renforcement ou le contrôle des apprentissages ont une place prépondérante ;

  • d'autres font davantage appel à l'activité et à l'imagination de l'élève et viennent enrichir la panoplie des modalités d'accès à la connaissance : logiciels illustratifs et de simulation, logiciels permettant le pilotage d'instruments de laboratoire, de parties opératives, ou de moyens audiovisuels, etc. ;

  • de nombreux logiciels utilitaires (traitement de textes, gestions de fichiers, tableaux, dessin assisté par ordinateur, etc.) peuvent - en l'état original ou après adaptation - rendre des services pour la langue écrite, la géométrie ou le calcul ;

  • certains langages enfin, tel LOGO, permettent de mettre en oeuvre des démarches originales de construction des savoirs et de formation du raisonnement.

     Il conviendra de veiller à ce que, loin de devenir un facteur supplémentaire d'inégalité entre les élèves, l'emploi des moyens informatiques favorise au contraire la réduction des écarts qui peuvent exister entre eux. En effet ces outils devraient permettre, dans la perspective d'une pédagogie différenciée, de prendre en compte les rythmes différents des élèves, en particulier de ceux qui ont des difficultés, élèves handicapés ou en situation d'inadaptation scolaire.

     On se souviendra, dans tous les cas, que ce qui est décisif, plus que le logiciel lui-même, c'est la manière dont il est mis en oeuvre. Il faut donc souligner que le choix du logiciel et de son utilisation appartient au maître, qui doit en faire un élément parmi d'autres de sa démarche pédagogique.

     L'informatique permet aux classes et aux établissements de communiquer d'une manière nouvelle. La télématique permet la transmission d'informations et de logiciels réalisés par les enseignants et les élèves. L'initiative individuelle est ainsi valorisée par l'échange collectif.

     Pour exercer efficacement cette responsabilité, l'enseignant pourra s'appuyer :

  • sur un dispositif de formation diversifié, présent dans chaque académie, qui doit lui permettre d'acquérir la maîtrise intellectuelle et pratique de ces nouvelles technologies ;

  • sur une évaluation des logiciels, mise en place progressivement sur le plan national et relayée au plan local par les différentes instances de formation et d'inspection ; cette évaluation portera sur le contenu scientifique des logiciels et les démarches qu'ils impliquent ; elle a pour but d'éclairer et d'aider les maîtres dans leurs choix.

Jean-Pierre CHEVÈNEMENT

N.D.L.R. (déc. 85) : malgré ses imperfections et ses lacunes ce texte répond à des attentes de l'E.P.I. Ainsi il rend caducs les textes antérieurs des directions pédagogiques. Il est dommage qu'il soit si elliptique sur les formations, qu'il n'envisage, pour les logiciels, que la procédure d'évaluation et qu'il oublie la recherche pédagogique.

Paru dans le  Bulletin de l'EPI  n° 40 de décembre 1985
et dans la  Revue de l'EPI  n° 104 de décembre 2001.
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